Rencontre entre naturistes : Film documentaire RIDM

[jaimemafamille]

En fait, ils ont essayé pour la 1ere fois en fesant le tournage et ils ont adoré à ce qu'ils ont dit!!
Je ne crois pas que l'intention était malsaine bien au contraire...Mais quand on est ''dans le domaine'' depuis longtemps, on a pas la même vision je suppose...

[Michel Vaïs]

Lorsque j'ai vu ce film à la Pommerie, j'ai été assez déçu moi aussi. En réponse à leur demande, c'est moi qui avais, au nom de la FQN, proposé d'aider les deux cinéastes à se faire connaître dans un centre naturiste. Je leur ai parlé de plusieurs centres, et ils ont opté pour la Pommerie. Tout de suite en arrivant, ils ont décidé de se mettre nus pour faire leur première expérience naturiste. Je les ai présentés à plusieurs personnes, à commencer par le propriétaire et la gérante, qui les ont bien accueillis. Ils sont revenus quelques fois sans caméras afin de bien se faire connaître et apprécier par les gens, avec qui ils ont tourné pendant tout un été, et un peu l'été suivant (2013). À cet égard, je pense qu'ils ont agi avec honnêteté. Je leur ai aussi beaucoup parlé de naturisme, je les ai invités au lancement de mon livre (et j'ai appris le jour du lancement que leur film devait s'appeler «Simplement nu»... Ils ont changé d'avis en cours de tournage, pour plutôt évoquer le nu simple et franc des naturistes perdu dans la société textile).

Ils cherchaient à trouver des «types» ou des «personnages» parmi les naturistes, et à les suivre pendant leurs activités diverses. Ils devaient me filmer en train de cueillir des champignons; malheureusement, cet été-là fut très sec et les champignons se sont faits bien rares dans les bois. Ils ont bien réussi avec au moins une personne, Evelyne Schubert, que l'on voit dans son potager, en train de se baigner au lac et aussi de faire du taïchi. On voit trop brièvement Robert Fontaine faire des travaux de menuiserie; trop longuement Gilles Beauchamp préparer un barbecue avec un membre; une excellente scène est la dernière du film, avec les deux vieux, Jacques et Françoise Mohin, qui prennent leurs pilules du soir dans leur roulotte et se préparent tout doucement à se mettre au lit. Il y a beaucoup de tendresse dans cette scène.

La principale chose qui m'a dérangé dans le film était le fait qu'on a systématiquement cadré les plans sur le corps des gens à partir du bas du cou. On ne voyait donc presque jamais les visages. Pour les naturistes, cela a eu pour effet de trop concentrer le regard sur les seins et les organes sexuels.

Une autre chose que je n'ai pas aimée, c'est le caractère répétitif de plusieurs scènes (plan fixe sur la longue douche de la dame, puis celle du monsieur; la naissance du bébé au début, puis celle du cheval; autre plan fixe sur les flèches lancées sur la cible, une fois, deux, trois, quatre fois...) Enfin, j'ai aussi regretté l'absence totale de commentaires sur l'expérience naturiste, pour accompagner les images, dont certaines étaient très belles. À mon avis, les images ne suffisent pas; il faut aussi dire pourquoi on est nus, ce que ça nous fait. En dehors des bavardages banals des joueurs de pétanque, le seul personnage nu qui parle un peu dans le film est Gilles Beauchamp. À croire, comme l'a dit quelqu'un dans ce forum, que les naturistes n'ont rien à dire (alors que les gens vêtus n'arrêtent pas de décrire leurs tenues avec une abondance de superlatifs et d'enthousiasme).

Il est vrai que la projection à la Pommerie avait été plutôt laborieuse: chaleur étouffante dans une salle bondée, pannes d'image et de son; interruptions nombreuses.

Quand j'ai revu le film à la salle Parallèle de l'Ex-Centris le 19 novembre, j'ai moins souffert, mais je demeure quand même sur ma faim. Lors de la discussion qui a suivi la projection, j'ai appris que les cinéastes --qui ont déclaré qu'ils n'étaient PAS naturistes, même s'ils ont fait cette expérience avec plaisir pour les besoins du film--, avaient décidé en cours de tournage de changer l'orientation de leur projet. Ils ont ajouté qu'ils ne voulaient pas faire une promotion du naturisme, ni adopter un style militant en faveur du naturisme, mais plutôt, parallèlement à des personnages nus vaquant à de simples occupations quotidiennes, de montrer par contraste des gens habillés qui vantaient leurs costumes, ce qui était parfois franchement drôle (je pense au couple de vieillards ou à la jeune décrocheuse anglophone). Quand je leur ai demandé à quel moment ils avaient décidé de couper les visages des personnages, ils ont répondu que cela s'était fait après les premiers tournages à la Pommerie, car ils ont décidé alors d'intercaler des séquences montrant des gens vêtus. Afin que le spectateur puisse se concentrer sur ces costumes très variés, voire loufoques, ils ont décidé de ne pas montrer le visage des gens habillés. Par la suite, ils ont décidé de couper aussi les visages des naturistes, pour une question de cohérence des images. Le résultat, à mon avis, n'avantage pas les naturistes, malheureusement.

À noter: les cinéastes ont aussi raconté avoir d'abord réalisé un film de 76 minutes, qu'ils ont ensuite réduit de moitié, sacrifiant ainsi de nombreuses séquences qu'ils avaient trouvées bonnes. C'est la loi du métier: on rejette toujours beaucoup de scènes au montage pour des raisons pratiques. Il y aurait bien d'autres choses à dire sur ce film, qui a des qualités mais qui va en décevoir plusieurs, à la fois sur le plan esthétique et du point de vue du naturisme. Je pense donc qu'un bon documentaire sur le naturisme reste à faire...

Cela dit, j'ai préféré le deuxième film au programme le 19 novembre, «Silence radio», une délicieuse «docufiction» mettant en scène des personnes âgées qui écoutent religieusement leur poste de radio qui diffuse des chansons datant de leur jeunesse.

Je veux donc dire à «Poisson dans l'eau» que le prix d'entrée pour cette soirée s'appliquait à deux films en compétition officielle aux RIDM, et non à un seul. La salle était comble; j'y ai reconnu au moins une douzaine de naturistes que je connais. J'ai voulu aller au restaurant après la projection des deux films et la discussion, mais chacun est parti de son côté, et je suis allé manger seul.